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Humans of Food #4
Daji
Cheffe géorgienne à Strasbourg

Originaire de Géorgie, Daji est arrivée en France en 2011, elle n'avait que 15 ans lorsque sa mère lui annonçait qu'elle partait pour l'Angleterre avec son père et son grand frère. Trop jeune pour les rejoindre à cette époque, ce n'est que quelques années plus tard, accompagnée de son mari qu'elle s'est installée en Alsace. Elle est désormais cheffe du restaurant strasbourgeois Dostoïevski, et rêve d'ouvrir son propre restaurant aux inspirations géorgiennes.

Est-ce que tu as un souvenir particulier lié à la cuisine de ton enfance ?

Je me rappelle surtout du « goût de l’enfance ». Ma mère, en Géorgie, cuisinait énormément, et je me souviens exactement du goût qu’avaient ses plats. Elle cuisinait tout le temps. Ici, en essayant de les reproduire ce n’est jamais vraiment la même chose. Même lorsque c’est elle qui les cuisine, je les trouve différents. Comme si l’enfance avait un goût particulier.

Le plat que je préférais c’est le Chakapuli — un ragoût à base de viande, d’herbes fraîches et de piment — avec beaucoup d’estragon, beaucoup d’ail. C’est un plat qui me rappelle le soleil, les vacances.

Quels sont les ingrédients phares de ta cuisine ?

C’est simple, le piment rouge et le sel. Toujours. Avec ces deux ingrédients je peux tout faire. Sans piment et sans sel, je ne fais rien. C’est vraiment très important. Je ne comprends pas que des personnes puissent manger sans sel. C’est ce qui ouvre tout le goût du plat. Si on ne mange pas salé, c’est qu’on n’est pas gourmand en fait.

Le plat que je préférais c’est le Chakapuli — un ragoût à base de viande, d’herbes fraîches et de piment — avec beaucoup d’estragon, beaucoup d’ail. C’est un plat qui me rappelle le soleil, les vacances.

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Est-ce qu’il y a un plat ou une cuisine en particulier qui t’a déjà fait voyager ?

Alors… J'adore l’Espagne et surtout j’adore les fruits de mer et la paella. Quand j’en mange, même de simples moules ou crevettes, ça m’emmène directement à Barcelone. Je pense à la plage, au soleil. Ce sont des plats que je préparais aussi en Géorgie, mais c’est vraiment différent lorsqu’on les mange en Espagne.

Selon toi, est-ce que la cuisine permet de transmettre des pratiques, des traditions ou encore des héritages culturels ?

Ma mère m’a tout appris. Enfin non, pas vraiment [rires] j’ai appris seule car je n’ai jamais demandé à ma mère : « Comment tu fais ça ? » ; et elle ne m’a jamais dit non plus : « Tu fais comme ci ou comme ça » pour préparer quelque chose. À la base, c’est ma grand-mère, qui était professeure de maths, mais aussi une vraie pâtissière qui pâtissait tout le temps. Ma mère, elle, n’aimait pas cuisiner mais elle le faisait quand même avec ma grand-mère. Tout ce qu’elle cuisine est magnifique, j’adore. Elle a appris de sa mère, mon père aussi d’ailleurs. C’est un peu traditionnel dans notre famille. Nous étions toujours tous obligés de faire quelque chose dans la cuisine, surtout lorsqu’on était nombreux à manger. J’ai donc toujours observé ma grand-mère et ma mère travailler ensemble.

Quand je suis arrivée en France en 2011, je ne savais pas vraiment cuisiner et surtout je ne connaissais ni les produits, ni la cuisine française. Du coup, j’appelais ma mère pour lui demander comment cuisiner certaines choses, comme les pommes de terre par exemple. J’étais vraiment perdue. Grâce à Skype, elle m’expliquait comment faire. J’ai donc commencé par des pommes de terre à la poêle, puis j’ai évolué progressivement.

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Selon toi, est-ce que la cuisine peut créer des liens entre des personnes qui viennent d’horizons divers ?

Chez nous, on fait ce qu’on appelle une « table géorgienne ». Tout est servi dans des plats sur la table, pas directement dans les assiettes comme en France. Et d’après moi ces grandes tables décident de beaucoup de choses. Des personnes qui ne sont pas d’accord entre-elles peuvent se mettre d’accord autour d’une belle table géorgienne. Manger ensemble permet de partager des idées, de se rappeler des souvenirs, de passer un bon moment…

Je ne comprends pas les personnes qui n’aiment pas manger et je plains celles qui ne peuvent pas manger de tout. La cuisine c’est la vie. Je ne peux pas me passer de viande par exemple, ma famille non plus d’ailleurs. Chez nous tout le monde aime manger. Enfin non, sauf mon mari. Je ne le comprends pas du tout. Si une personne est gourmande elle est censée aimer le bon poisson et la bonne cuisine. Elle devrait connaître ses priorités. [rires]. La cuisine rapproche les gens, c’est très important.

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Avec qui tu préfères cuisiner ?

Avec des personnes qui savent préparer les choses, professionnelles ou non, ça je m’en fiche. Et surtout des personnes qui comprennent le goût, c’est un point international selon moi. J’aime aussi cuisiner avec ma mère. Mais je suis difficile et j’ai un caractère un peu dur, du coup parfois je préfère cuisiner seule ; et si j’ai besoin d’aide, la première personne que j’appelle c’est ma mère.

Signé : Julia Wencker
Photos : Julia Wencker

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